7-Oncle Ben's est à El Qasr
Plus au sud, une autre oasis croise notre route, celle
de Dakhla, parmi les villages qui la composent, notre choix se porte sur
celui de El Qasr.
En arrivant, un allemand me dit qu'il y a cinq
ans, il voulait s'arrêter une nuit, il y est resté quinze jours et il
revient chaque année dans cet hôtel tenu par un certain Mohamed.
Je
souris en lui disant que nous sommes assez pressés, que nous avons
encore beaucoup de chemin à parcourir, de sites à visiter et que
malheureusement nous pensons ne pas pouvoir rester plus d'une nuit.
Cinq jours plus tard, j'explique à une coréenne de passage à El Qasr que nous voulions simplement passer une
nuit ici.
Tu dois bien te demander ce qui retient ainsi les voyageurs de passage?
Déjà
il y a Mohamed qui est attachant contrairement à de nombreux autres
Mohamed qui sont collants. Il y a aussi la cuisine de Mohamed, le petit
déjeuner de Mohamed, les bonnes blagues et la bonne humeur de Mohamed,
les bons conseils pas toujours compréhensibles de Mohamed, sa curieuse
façon de toujours dire "Why?" qui m'oblige à lui répondre "Why not!!"
avant d'éclater de rire ensemble.
Pour
te donner une idée, la chambre, le petit déjeuner gargantuesque servi
sur la terrasse et le souper à volonté, nous coûte par jour et par
personne 4,5 euros.
On ne peut même pas lui en vouloir lorsqu'il
nous prête, moyennant quelques livres égyptiennes, ses deux vélos (si
on peut appeler ça des vélos) et que nous sommes obligés, deux jours de
suite, de rentrer au bercail à l'arrière d'un pick-up suite à diverses
avaries comme le pneu arrière qui se déchausse ou le pneu arrière qui
se déchausse ou le pneu arrière qui se déchausse.
Ensuite
il y a les habitants de El Qasr qui nous assomment de welcome, de
hello, de riz de l'oncle Bens, qui nous étouffent sous leurs sourires,
leurs poignées de main, leurs invitation à partager le thé. Bien sûr,
lorsque j'emploie ici les verbes assommer et étouffer c'est en donnant
un sens positif à ces mots. Même si c'est parfois un peu pesant ça ne
reste que du bonheur et pour le riz de l'oncle Bens je me dois de
t'expliquer, cher lecteur adoré, la signification.
Quelques enfants nous interpellent parfois en disant " Unkeul Ben?"
Nous
avons longtemps cherché la raison pour laquelle ils nous parlaient
continuellement de ce vieil oncle américain producteur de riz, jusqu'à
ce que je suppose qu'il s'agisse d'une déformation due au téléphone
arabe et dont la lointaine phrase originale serait: Do you have a pen?
(car les égyptiens ont tendance à prononcer un B à la place du P).
Notre
envie de continuer le voyage est aussi réfrénée par la nature
environnante, véritable écrin débordant de luxure végétale, de trésors
minéraux, de divines estampes, de variables lumières et de pâlichonnes
étendues, réminiscences miniatures du désert blanc.
L’ancien village n’est pas non plus étranger au phénomène
de séduction qu’exerce sur nous cette partie reculée de l’Egypte. Même si la
population de chauves souris est supérieure à celle des hommes, l’âme de cette
vieille citadelle est encore bien présente et, sans égaler pour autant le
fantasme d’une glace au citron vert, la fraîcheur offerte par les ruelles
couvertes et ensablées est la bienvenue en plein cœur de l’après midi, alors que le soleil est à son paroxysme.
En résumé,
que l’on soit passionné de nature, d’archéologie, de géologie, d’histoire, de
randonnée, que l’on préfère les fallafels et les bananes aux steaks frites et
aux pommes farineuses, que l’on ne craigne pas trop la poussière, ni les
ordures ou les cadavres d’animaux dans les rues, on peut dire qu’El Qasr est un
endroit où il fait bon vivre à condition de savoir se passer d’internet et de
TF1.